La brave fille des abattoirs

 

Dans la fumée des faubourgs populaires

Où ça sent fort la sueur et la misère

Les ouvriers répondent à l'appel

Des mill'sirèn's qui sifflent dans le ciel ;

Mais la plus bell'de toutes ces sirènes

C'est un'brav'fille, des bouchers c'est la reine

Et chaque soir elle est le réconfort

Des louchebems, les chétifs comm'les forts

Le regard pur et le front innocent

Elle a les mains tout'couvertes de sang...

 

C'est la brav'fill'des abattoirs

A la Vilette il faut la voir,

Assister au dernier supplice

Des pauv'taureaux, des pauv'génisses

A u porc qui souffre avant l'saloir

Elle apporte un suprême espoir

Viande à saucisse,

Pour qu'les riches

Ils s'l'emplissent.

 

Elle aim'les homm's avec de bell's bacchantes,

Ell'se nourrit que de viande saignante,

Pas de poisson, jamais de maquereau,

Car ell'sait bien qu'ils ne sont pas loyaux

Au grand Mimil'qu'en saignait cent à l'heure,

Ell'dit un jour "T'as l'air d'un grand seigneur"

Sur un étal il voulut la coucher

En lui disant "C'est un prix de boucher"

Tout d'suite après comm'dans un grand frisson

Cert's un peu tard, elle lui répondit "Non"...

 

Mais un beau soir, là bas, près d'la Vilette,

Ell'trouve Mimile avec une autr'brunette

Alors dans l'ombr', se faufilant sans bruit,

Ell'lui assène un grand coup de fusil

Ell'prend sa revanche et Mimil's'affaisse

Et puis Tata s'exclame vengeresse

Tu m'l'as broyé mon p'tit coeur de vingt ans,

Je vais t'arracher le tien maintenant

Tout en roulant par dessus les fortifs,

Le coeur de Mimil'gémissait plaintif...

 

C'est la brav'fill'des abattoirs.

Dans un rictus il faut la voir

Ricaner d'un p'tit coeur qui glisse

Elle est plus vach'qu'une génisse

Voilà comment ell'laissa choir

Le coeur de Mimil'su'l'trottoir

Moralité : Faut qu'çà finisse

Plus d'alcool,

Plus de vices