Le fils père

 

Il était beau il s'app'lait Jules

Et il n'avait jamais fauté,

Quand un beau soir au crépuscule

Par le désir, il fut hanté

Juste à c'moment, une brunette

Qui descendait de l'autobus

Lui dit : "Viens-tu dans ma chambrette ?

J'habit'là au Quartier Picpus"

 

Amour, amour, tu fais fair'des folies

Amour amour, tu nous fais bien du mal

 

Il soupira : "Si je faute, ma mie,

M'épous'ras-tu ?" "Oui, dit-ell'c'est fatal"

Mais quand il s'fut donné bêt'ment

Ell'lui dit : "Maintenant, fous l'camp"

Ell'le chassa de sa maison

Sans mêm'lui rendr'son pantalon

C'est alors qu'il comprit

Sa honte et sa misère,

Un malaise le prit

Jules allait être père.

 

Afin d'dissimuler sa faute

Il prit d'affreuses précautions,

Il se serra les entrecôtes

Et fit élargir ses cal'çons.

Mais un jour il perdit sa place,

Le patron l'ayant fait app'ler

Lui dit : "T'as fauté, je te chasse

Faut pas d'fils père à l'atelier"

 

Parlé : Mon Dieu !

 

Pour oublier, il sombra dans l'orgie,

Il but du cidre et de l'Urodonal

Alors à Montmartre là-haut

On l'vit rouler dans le ruisseau

Tandis que d'joyeux noctambul's

Venaient tirer l'oreille à Jules

Et de son pauvre corps

Les filles abusèrent

On n'est pas respecté

Quand on est un fils père.

 

Un soir, dans un'louche officine,

Il entra décidé à tout

Il vit une femme, un'gourgandine

Qui s'appelait "la mèr'Guette au trou"

Pour fair'disparaître les traces

De la faute du pauvre gueux

Ell, lui charcuta la carcasse

En se servant d'un'pelle à feu.

 

Parlé : Oh quelle horreur !

 

Le pauvre gars faillit perdre la vie

Il vient hier de sortir de l'hôpital

Et maintenant pâle et flétri,

Le ventre et les seins pleins de plis,

Sur l'Sébasto on peut le voir

Jules est dev'nu fils du trottoir

 

Moralité :

Mariez-vous, jeunes gens

Avant d'vous laisser faire

Ne faites pas comm'Jul's

Le malheureux fils père