La romance du quatorze juillet

 

Elle avait ses quinze ans à peine

Quand ell'sentit battr'son coeur

Un beau soir, près du mec Gégène

Marinette a cru au bonheur.

C'était l'jour d'la fêt'nationale

Quand la bombe éclate en l'air

Elle sentit comme une lame

Qui lui pénétrait, dans la chair.

 

Par devant, par derrière,

Tristement comme toujours,

Sans chichis, sans manières,

Elle a connu l'amour

Les oiseaux dans les branches

En les voyant s'aimer

Entonnèr'nt la romance

Du quatorze juillet.

 

Mais quand refleurit l'aubépine,

Au premier souffl'du printemps,

Fallait voir la pauvre gamine

Mettre au monde un petit enfant.

Mais Gégène, qu'était à la coule

Lui dit : " Ton goss', moi j'm'en fous !

Si tu savais comm'je m'les roule

A ta plac'moi j'lui tordrais l'cou."

 

Par devant, par derrière,

Tristement comm'toujours,

Fallait voir la pauvr'mère,

Avec son goss'd'huit jours,

En fermant les paupières

Ell'lui tordit l'kiki

Et dans l'trou des ouatères

Ell'jeta son petit.

 

Mise au banc de la cour d'assises

Et de c'ui de la société

Ell'fut traitée de fill'soumise

A la veill'du quatorz'juillet.

Elle entendait son petit gosse

Qui appelait sa maman

Tandis que le verdict atroce

La condamnait au bagn'pour vingt ans.

 

Par devant, par derrière,

Tristement comme toujours,

Elle est mort'la pauvre mère

A Cayenne un beau jour,

Morte avec l'espérance

De revoir son bébé

Dans la fosse d'aisance

Où ell'l'avait jeté.

 

Elle avait ses quinze ans à peine

Quand ell'sentit battr'son coeur

Un beau soir, près du mec Gégène

Marinette a cru au bonheur...