Le vieux morpion

 

Sur les débris d'une motte princière

Que la vérole emportait par lambeaux,

Un vieux morpion, plusieurs fois centenaire,

A ses enfants, disait ces derniers mots :

"Oui, sans regret, je peux quitter la vie

Un con royal est à vous, mes enfants".

 

Car Dieu rêva dans sa philosophie

De réunir les petits et les grands.

 

J'ai vu le jour sur le vit d'un sauvage

Qui, du soleil, se disait rejeton

Je suis venu de ces lointains rivages

Sur les roustons de Christophe Colomb ;

Comme il donnait un monde à sa patrie,

Je la peuplai de nouveaux habitants.

 

Depuis bientôt plus de trois cents années

J'ai vu les couill's des plus hauts potentats,

J'ai poursuivi des pines couronnées,

J'ai vu des cons engendrer des prélats,

Plus d'un Saint-Pèr'sur ses couilles bénies

Sentit grouiller mes arpions triomphants.

 

D'Louis Quatorze, j'ai sucé les cuisses

Et j'ai vécu dix ans sur son bâton,

Frédéric Deux avait la chaude-pisse

Marie-Thérèse avait un chancre au con,

J'ai vu briller le soleil d'Italie

Au-d'ssus du trône des papes branlants.

 

Depuis, j'ai eu des heures malheureuses

Bien peu de cons me fur'nt hospitaliers

Et le vagin d'une religieuse

Puait si fort que j'en faillis crever,

Dans les bidets j'allais de compagnie

Avec les spermatos agonisants.

 

J'ai vu baiser la reine d'Angleterre

Par les sous-offs de tout's ses garnisons,

J'ai buriné les couilles du Saint-Père

Quand tous les soirs, il allait au boxon.

Suivez, enfants, le chemin de ma vie,

De tous les cons, soyez les conquérants.

 

A Austerlitz, à Friedland et à Rome,

Partout enfin où le porta son sort

J'ai poursuivi la pine du grand homme

Mais il est mort et moi je vis encore ;

J'habit'le con d'la princesse Eugénie

Et je le lègue à vous, mes chers enfants.

 

Le vieux morpion voulut parler encore

Mais dans sa bouch', sa langue se glaça.

Un froid mortel envahit tout son corps

Et lentement le morpion expira.

Du haut d'son poil qu'agitait l'agonie

Il se raidit et dit à ses enfants :

Oui, Dieu rêva...