– Ah çà ! qu’est-ce que cette charade qui se joue en votre honneur ? demanda M. de Boursonne à Raymond, dès qu’ils se trouvèrent seuls.
– Eh ! le sais-je plus que vous, monsieur ? répondit le jeune homme.
– C’est que, voyez-vous, mon cher, poursuivit le vieil ingénieur, vous auriez peut-être tort de prendre pour argent comptant les démonstrations de ces Maillefert. D’aussi illustres égoïstes ne se donnent pas tant de peine pour rien. Il me paraît clair qu’ils ont des vues sur vous. Lesquelles ? En avez-vous idée ?
Pas la moindre.
Le vieil ingénieur parut réfléchir.
Il était piqué de la réserve de Raymond. Et comme en dépit des conseils de la sagesse, il est rare qu’on se connaisse soi-même :
– J’ai pour principe absolu, reprit-il, de ne jamais me mêler des affaires des autres. Je ne prétends donc pas forcer vos confidences. Mais je croirais manquer à l’amitié que je vous porte, si je ne vous disais pas : Soyez prudent, prenez garde !…
Ces exhortations à la défiance étaient inutiles.
Si étranger que fût Raymond à la diplomatie des salons, si inexpérimenté qu’il pût être des intrigues misérables que voile parfois la politesse savante de la bonne compagnie, il comprenait que ce qui se passait autour de lui n’était pas naturel.
Un instinct supérieur à toutes les expériences lui disait qu’il était sérieusement menacé, qu’une partie était engagée dont son bonheur et son honneur étaient peut-être l’enjeu.
Il était sûr d’un danger prochain.
Mais quel était ce danger ?…
À cette question, malheureusement, il ne trouvait pas de réponse, de réponse qui le satisfît, du moins.
Était-ce la duchesse de Maumussy qu’il devait surtout redouter ?…
Si cette vanité dont l’homme le plus modeste porte en soi le germe lui disait que la jeune duchesse lui portait un intérêt plus que fraternel, la voix de la raison lui disait que cet intérêt n’était peut-être qu’une comédie.
Et le but, Raymond pensait l’entrevoir.
La dernière lettre de Jean Cornevin lui revenait à l’esprit.
Que disait-elle, cette lettre ? Que Laurent Cornevin n’était probablement pas mort, ainsi qu’on l’avait cru, et que, par conséquent, la preuve du crime de MM de Maumussy et de Combelaine n’était pas anéantie.
Ce que Jean avait découvert, les assassins ne le savaient-ils pas ?…
Ne tremblaient-ils pas de se voir d’un moment à l’autre démasqués ?
Et cela admis, Raymond n’en arrivait-il pas à se demander si la duchesse de Maumussy, cette jeune femme si belle et si séduisante, ne lui avait pas été envoyée pour s’emparer de son esprit, pour l’éblouir d’espérances magnifiques, pour l’amener, lui, le fils de la victime, à contribuer à l’impunité des meurtriers…
– En ce cas, pensait-il, Mme de Maillefert et M. Philippe seraient du complot, et ainsi s’expliqueraient leurs avances.
Mais Mlle Simone n’en était pas, elle, bien évidemment, puisque, tout en obligeant Raymond à faire danser Mme de Maumussy, elle l’avait d’un coup d’œil, averti de se tenir sur ses gardes.
– Il faut que je lui parle, se disait-il, que j’aie le courage de lui demander de m’éclairer…
Malheureusement, le lendemain, lorsqu’il se présenta au château, Mlle Simone n’était pas dans le petit salon où les hôtes ordinaires venaient attendre que la cloche sonnât le dîner.
Mme de Maillefert, du reste, semblait fort mécontente de cette absence de sa fille.
– Simone est insupportable, disait-elle, avec cette manie qu’elle a de courir les champs, ni plus ni moins qu’un pauvre gentilhomme campagnard réduit à faire valoir lui-même…
Raymond, à ce moment, se trouvait assis près de la duchesse de Maumussy.
– Il est de fait, lui dit-elle que Mlle de Maillefert a des habitudes étranges pour une fille de son nom, maîtresse d’une si grande fortune… Car vous devez savoir que c’est huit millions, au bas mot, que cette blonde charmante apportera à l’homme adroit qui aura su lui plaire…
L’allusion était directe, et évidemment préméditée.
Et cependant, comme si elle eût craint que son intention ne fût pas comprise :
– Une jeune fille si riche, ajouta-t-elle, doit renoncer à l’espoir d’être aimée pour elle-même !…
Vingt-quatre heures plus tôt, Raymond se fût peut-être révolté, mais il apprenait à se maîtriser. La cloche du maître d’hôtel sonnait, il en profita pour ne pas répondre.
Le dîner fut triste. Des hôtes nombreux de la duchesse de Maillefert, cinq ou six seulement restaient. Les autres s’étaient envolés vers Paris aux premières gelées. Et si la duchesse prolongeait son séjour, c’était, disait-elle, dans l’intérêt de sa mission, et aussi pour terminer quelques affaires d’intérêt.
Plus tristement encore la soirée s’écoula sans que Mlle Simone parût, encore bien que, sur les huit heures, elle eût envoyé miss Lydia Dodge prévenir sa mère de son retour.
– Que peut-elle avoir contre moi ? se demandait Raymond, en rentrant au Soleil levant, elle me fuit… Ne dois-je plus la revoir ?…
Terreurs vaines ! Le lendemain même, lorsque suivi de M. de Boursonne il se présenta au château, il ne trouva au salon que Mlle Simone. L’attendait-elle donc ?
Telle dut être l’idée du vieil ingénieur, car après quelques mots de politesse banale, il alla se planter devant une fenêtre, tout comme s’il n’eût pas fait nuit. Il est vrai que précisément parce que la nuit était fort obscure, les carreaux se trouvaient faire l’office d’une glace où il distinguait fort nettement Raymond et Mlle Simone.
À grand’peine, et de ses deux mains appuyées sur sa poitrine, Raymond essayait de comprimer les battements de son cœur. Enfin elle se présentait, cette occasion de parler qu’il avait appelée de tous ses vœux. Il se sentait la force d’en profiter, car l’excès même de la passion lui rendait quelque sang-froid, de même que l’excessif danger donne aux plus poltrons une sorte de courage…
Mais il n’avait pas prononcé dix syllabes, que Mlle Simone l’interrompit.
Elle aussi, la pauvre jeune fille, elle était affreusement émue, et à sa pâleur et à la contraction de ses lèvres, on pouvait voir quelle violence elle se faisait :
– Monsieur, commença-t-elle, c’est bien vous, n’est-ce pas, qui, le soir du bal donné par ma mère, êtes entré dans le salon de miss Lydia ?…
Un domestique m’avait ouvert la porte, mademoiselle…
– Je sais… En ce moment, ma mère et moi nous nous trouvions dans la pièce voisine, nous avions une discussion… fâcheuse, et nous croyant seules nous parlions assez haut…
Raymond était devenu blême.
Son indiscrétion avait été involontaire. Assurément, sans M. de Boursonne, il se serait enfui en se bouchant les oreilles aux premiers mots arrivés jusqu’à lui.
Seulement, il ne pouvait pas dire cela, et, en cette circonstance, mentir lui répugnait comme une indignité.
– Vous parliez haut, c’est vrai, mademoiselle, balbutia-t-il.
– De sorte que vous avez entendu tout ce que nous disions ?
Il baissa la tête.
– Vous avez entendu ? insista la jeune fille.
– Oui.
Jamais rien n’avait coûté à Raymond autant que cet aveu. Qu’allait-il en advenir ? Mlle Simone n’allait-elle pas l’accabler de mépris ?
Non. Elle le regarda sans colère, mais avec une fermeté incroyable chez une jeune fille si timide :
– Et qu’avez-vous conclu de ce que vous avez entendu ? interrogea-t-elle.
– Que votre dévouement est sublime, mademoiselle.
Elle frappa du pied.
– Ce n’est pas répondre, prononça-t-elle.
Raymond demeura d’abord interdit, puis, tout à coup, une inspiration l’éclairant :
– Ah !… je comprends, fit-il. C’est mon avis sur la situation que vous avez acceptée, mademoiselle, que vous voulez ?
Elle se penchait vers lui avec une anxiété visible, comme si des paroles qui allaient tomber de ses lèvres eût dépendu toute sa destinée.
Lui eut ce pressentiment que sa réponse allait décider de son avenir, et lentement et mesurant chacune de ses expressions :
– Non seulement je m’explique votre conduite, mademoiselle, dit-il, non seulement, je l’admire, mais je l’approuve comme la seule digne d’une Maillefert…
– Ah !…
– Je vous la conseillerais, si j’avais le bonheur de posséder votre confiance. Vous pensez que vous n’êtes que la dépositaire et en quelque sorte l’économe de l’immense fortune que vous possédez. Vous avez raison. Avant tout, cette fortune appartient à la maison de Maillefert, c’est à soutenir l’éclat et l’honneur de ce grand nom qu’elle doit être employée tout entière.
La joie la plus vive se peignait sur les traits si purs de Mlle Simone, en dépit de ses efforts pour demeurer impénétrable. Il y avait des remerciements plein ses yeux.
– Vous dites tout entière ? répéta-t-elle.
– Oui, mademoiselle, jusqu’au dernier louis.
– C’est bien votre pensée que vous me dites ?
– Ma pensée intime, oui, et la plus chère, sur laquelle reposent toutes mes espérances…
Elle l’arrêta d’un geste.
– Me tromper, dit-elle, serait odieux et lâche !…
– Oh !…
– Indigne de l’homme de cœur qui, entendant outrager une pauvre jeune fille qu’il ne connaissait pas, a risqué sa vie pour la défendre…
– Mademoiselle…
Elle se leva.
– Je vous crois, fit-elle résolument.
Et donnant à Raymond sa main, qu’il garda dans les siennes :
– Croyez-moi de même, ajouta-t-elle ; seulement…
Elle n’acheva pas… Tout le sang généreux de son cœur, comme un torrent de pourpre, affluait à son visage.
La duchesse de Maumussy entrait.
Avait-elle écouté et avait-elle entendu ? Choisissait-elle pour paraître l’instant où son instinct avait dû lui dire qu’il allait être question d’elle ? Le fait est qu’elle était certainement émue : elle était pâle et ses mains tremblaient.
– Où donc est votre mère, ma chère Simone ? demanda-t-elle.
La jeune fille hésita. Elle se défiait du tremblement de sa voix, et son embarras était grand, lorsque M. de Boursonne vint à son secours…
S’inclinant avec son meilleur sourire devant Mme de Maumussy :
– Mme de Maillefert, répondit-il, et M. le duc sont, nous a-t-on dit, en grande conférence avec un sous-préfet des environs.
C’était vrai, seulement Raymond l’avait oublié. La jeune femme eut un éclat de rire trop bruyant pour être sincère, et se laissant tomber sur un fauteuil :
– Mon Dieu !… s’écria-t-elle, que c’est donc amusant de voir cette chère duchesse et cet excellent M. Philippe s’occuper de politique !…
Et tout de suite, avec cette volubilité fiévreuse des gens qui redoutent les trahisons du silence, elle se mit à parler des événements dont Paris était le théâtre.
Elle en pouvait parler pertinemment, disait-elle, ayant reçu le matin même une lettre de son mari.
« Le duc de Maumussy ne lui dissimulait pas qu’il était mécontent, sinon inquiet, de la tournure des choses. Selon lui, le gouvernement impérial s’engageait dans une voie sans issue. L’empereur fermait l’oreille aux conseils de ses anciens amis, pour écouter des charlatans politiques sans portée. L’influence de l’impératrice amenait au pouvoir des hommes d’une maladresse si incroyable qu’elle avait un faux air de trahison.
– Je m’étais trompé, pensait Raymond, cette femme n’a pas été envoyée par mes ennemis… Si elle savait qui je suis et quel est mon passé, elle ne parlerait pas ainsi devant moi…
Quoi qu’il en fût, ce ne devait pas, ce ne pouvait pas être un intérêt médiocre, qui arrachait ainsi la duchesse de Maumussy à ses habitudes de silencieuse torpeur.
Car c’en était fait de sa nonchalance hautaine. Tout son être vibrait.
Le buste rejeté en arrière, la joue ardente, les narines gonflées, le sein haletant, elle parlait, d’une voix brève et saccadée qui ne souffrait ni réplique ni contradiction.
Et il fallait entendre les commentaires dont elle accompagnait la lettre de son mari et de quels sarcasmes elle cinglait ce mari et ses amis, et les hommes au pouvoir, et les ministres, et la cour, et l’impératrice et l’empereur !
– Tudieu ! quelle commère ! pensait M. de Boursonne.
Il lui paraissait évident que la jeune femme cherchait surtout à dissimuler le motif réel de son irritation, et qu’ainsi, comme on dit vulgairement, elle passait sa colère.
Et la preuve, c’est que Mme de Maillefert et son fils étant rentrés, elle se mit tout de suite et sans à-propos à les accabler de railleries positivement blessantes au sujet de cette longue conférence électorale qu’ils venaient d’avoir avec un sous-préfet des environs.
Mais aussi, à l’attitude de la mère et du fils, Raymond et M. de Boursonne eussent pu mesurer le crédit de la duchesse de Maumussy.
Mme de Maillefert dit seulement, et Dieu sait de quel accent :
– Vous avez certainement vos nerfs, ce soir, ma chère Clélie.
Clélie était le prénom de Mme de Maumussy.
– Jamais, au contraire, répondit-elle, je ne me suis sentie si bien portante ni de meilleure humeur.
En sortant du château, après cette soirée décisive, M. de Boursonne sifflotait un air fantastique, ce qui était chez lui l’indice des plus sombres préoccupations.
C’est qu’après s’être juré de ne plus s’occuper des affaires de Raymond, voyant la tournure que prenaient ces affaires, il se faisait un cas de conscience de l’abandonner aux inspirations de son inexpérience.
– Eh bien !… lui demanda-t-il, où en êtes-vous ?
Raymond planait alors dans le bleu du troisième ciel, et trouver un confident, c’était un bonheur encore.
– Cette soirée, répondit-il, sera la plus heureuse de ma vie…
– Diable !…
– J’aime éperdument Mlle de Maillefert, et de ce soir je crois, oui, je crois fermement que je ne lui suis pas indifférent…
– Peste !…
– N’avez-vous pas entendu ce qu’elle m’a dit ?
– Si, parfaitement.
– Eh bien ?
– Eh bien ! mon cher camarade, à moins que le français ne soit plus le français, et que je ne sois plus qu’une vieille bête, elle vous a clairement demandé si vous consentiriez à l’épouser sans dot.
Le visage de Raymond rayonna.
– Oui, c’est bien là ce que j’ai compris, s’écria-t-il.
Imperceptiblement, le vieil ingénieur haussa les épaules.
– Et qu’en concluez-vous ? interrogea-t-il.
La question parut stupéfier Raymond.
– Ce que j’en conclus ?… répéta-t-il. Ceci : la dot de Mlle Simone était le seul obstacle que j’aperçusse entre Mlle Simone et moi… La dot étant supprimée, l’obstacle n’existe plus…
– De sorte que vous croyez que maintenant tout va aller de soi…
De même que toutes les natures nerveuses et enthousiastes, Raymond pouvait, en un moment, passer de l’exaltation la plus grande au plus extrême abattement.
La voix de M. de Boursonne le ramena brusquement du ciel au milieu des ornières de la réalité.
– Mlle Simone m’a dit de croire en elle, prononça-t-il d’un air sombre, et j’y crois aveuglément.
Mais c’est bien inutilement que Raymond et M. de Boursonne s’épuisaient à évaluer les probabilités de l’avenir. Les événements devaient, comme à plaisir, dérouter leurs conjectures.
Après cette orageuse soirée, troublée par les emportements étranges de Mme de Maumussy, après les scènes dont il s’était trouvé l’involontaire et très embarrassé témoin, Raymond n’était pas sans inquiétude sur la réception qui l’attendait à Maillefert.
Inquiétudes inutiles ! Jamais encore il n’avait été accueilli comme il le fut le lendemain.
Puis, en moins de quatre jours, sa situation s’embellit de telle sorte qu’on eût pu croire que très assurément la famille de Maillefert allait devenir la sienne. Un prétendant déclaré et officiellement admis à faire sa cour n’eût pas osé souhaiter de plus délicats encouragements, de plus charmantes attentions.
Devenue soudainement tout miel, Mme de Maillefert ne lui épargnait aucun de ces patelinages que prodiguent les mères adroites à l’homme qu’elles convoitent pour leur fille.
Elle ne l’appelait plus monsieur Delorge, mais bien mon cher monsieur Raymond, ou bien Raymond tout court.
– Que ne l’appelle-t-elle : « Mon gendre », pendant qu’elle y est ! pensait M. de Boursonne.
En ce cas, M. Philippe eût eu aussi tôt fait de dire : « Mon cher beau-frère. »
Car ses façons étaient plus familières encore que celles de sa mère, et avaient ceci de singulièrement significatif, qu’elles se manifestaient en dehors.
Ses amis étant retournés à Paris, il se prit pour Raymond d’une si belle passion qu’il ne le quittait presque plus.
Tous les jours, après le déjeuner, si détestable que fût le temps, il allait le rejoindre à l’endroit où il poursuivait ses études, et il passait des heures à le regarder opérer, avec toutes les apparences de l’intérêt le plus vif.
Puis, M. de Boursonne aidant, il le débauchait. Il venait le prendre au saut du lit, tantôt pour une partie de chasse avec les jeunes gens des environs, tantôt pour une promenade à Saumur ou à Angers.
Il se montrait avec lui, bras dessus bras dessous, aux Rosiers. Il arrivait à l’improviste partager son dîner au Soleil levant, déclarant, parole d’honneur ! que maître Béru était un bien autre artiste que le cuisinier de Maillefert. À plusieurs reprises, il le traîna au Café du commerce pour faire une partie de billard.
Le parti pris de la mère et du fils était trop visible pour que M. de Boursonne ne le constatât pas.
Et la preuve qu’il existait, c’est que jamais Mme de Maillefert n’était avec Raymond aussi familière que les soirs où elle avait des étrangers dans le salon.
Alors, avec la plus adroite maladresse, elle saisissait les occasions bonnes ou mauvaises, de laisser éclater la plus excessive intimité.
Elle disait, par exemple à Raymond :
– Vous qui êtes presque de la famille…
Lui n’avait pas tardé à reconnaître que M. Philippe et sa mère s’entendaient pour lui ménager des occasions d’entretenir Mlle Simone. À tout instant, sous un prétexte ou sous un autre, on les laissait ensemble.
Le temps était-il assez beau pour permettre une promenade au jardin ?
– Offrez donc votre bras à Simone, mon cher Raymond, disait invariablement Mme de Maillefert.
Elle-même prenait le bras de M. de Boursonne, M. Philippe présentait le sien à la duchesse de Maumussy, on sortait.
Et régulièrement, par le plus grand des hasards, Raymond finissait par se trouver seul avec Mlle Simone.
La peur finissait par prendre le pauvre garçon. Car de se fier à ces magnifiques apparences, de s’abandonner aux douceurs d’une situation si étrangement inespérée, il n’avait garde.
– Grand Dieu ! disait-il à M. de Boursonne, qu’est-ce que cela signifie ?…
– Hum ! rien de bon ! répondait le vieil ingénieur.
– C’est trop beau.
– Beaucoup trop pour durer.
– Quel peut être le but de Mme de Maillefert ? Qu’espère-t-elle de cette comédie ?
Le bonhomme branlait la tête d’un air équivoque.
– Ce qu’ils espèrent, répondait-il, hum !… peut-être bien que moi… mais non, je ne suis pas assez sûr encore… Ce serait trop odieux.
Et il refusait obstinément de s’expliquer, disant que, s’il ne se trompait pas, les faits ne tarderaient guère à faire éclater la vérité.
Le plus extraordinaire, c’est qu’à mesure que Mme de Maillefert devenait plus ardente et plus expansive, Mlle Simone montrait plus de réserve et de froideur.
Autant sa mère s’ingéniait à lui ménager avec Raymond des heures de tête-à-tête, autant elle mettait à les éviter une ingénieuse obstination.
Nul moyen de lui parler. Toujours maintenant elle traînait après ses jupes miss Lydia Dodge, sa gouvernante anglaise, laquelle, préalablement stylée, se jetait à la traverse de tous les entretiens.
– Elle me hait, pensait Raymond, en proie à un sombre désespoir. Que lui ai-je fait ? En quoi ai-je bien pu lui déplaire ?…
Et il s’effrayait de la voir de plus en plus pâle et toujours plus froide et plus triste.
Elle se donnait pourtant beaucoup de mouvement. Elle passait des journées entières dehors, à parcourir ses propriétés, suivie d’une espèce d’homme d’affaires, qui logeait au Soleil levant, et qui, de l’avis de maître Béru, devait être « un marchand de biens ».
– Pauvre fille !… disait M. de Boursonne, ils finiront par la tuer.
Il est sûr que souvent Raymond voyait à Mlle Simone les yeux rouges comme si elle eût beaucoup pleuré, et que souvent il fut sur le point d’enfreindre la défense qu’elle lui avait faite de l’interroger.
Jusqu’à ce qu’enfin, la surprenant un jour en larmes, n’y tenant plus, et oubliant la présence de miss Lydia Dodge :
– Ayez pitié de moi, lui dit-il, bannissez-moi de votre présence ou daignez me permettre de partager votre chagrin…
Elle continuait de pleurer doucement, et sa physionomie avait une si navrante expression de tristesse, que Raymond sentait son cœur se briser.
– Qu’avez-vous, au nom du ciel ? insista-t-il.
– Je souffre… murmura la pauvre enfant.
– On vous tourmente ?…
– Oh !… indignement !
Raymond frémit de colère.
– Et vous croyez que je tolèrerai cela !… s’écria-t-il, avec une si terrible expression de menace, que miss Dodge en fit un saut en arrière : vous croyez que, moi vivant, on osera…
D’un geste doux et triste, elle l’interrompit.
– Voulez-vous donc achever de me désespérer ? murmura-t-elle. Voulez-vous donc nous perdre ?…
Nous ! elle avait dit nous !… Raymond l’avait bien entendu.
– Ne puis-je donc rien ! demanda-t-il, de l’accent du dévouement prêt à tout.
– Rien…
Le malheureux se tordait les mains.
– Ah ! cette angoisse me tue !… dit-il. C’est trop souffrir.
Elle le regarda fixement, et d’une voix douce :
– Pensez-vous donc, fit-elle, que je ne souffre pas, moi ?
Mais les instances passionnées de Raymond n’arrachèrent pas un mot d’explication à Mlle Simone. À ses ardentes supplications :
– Je ne puis parler, répondait-elle, je ne le puis, je n’en ai pas le droit !…
Entre eux, miss Lydia Dodge, la méthodique gouvernante anglaise, semblait tomber des nues. Elle ne pouvait revenir de voir entre eux cette soudaine entente. La veille encore ils en étaient à hésiter, à rougir et à balbutier avant de s’adresser un mot de politesse banale ; et voici que tout à coup ils s’abandonnaient, tant il en est de la douleur comme un péril commun dont la brutale étreinte efface les conventions sociales, supprime les timidités et arrache à la vérité tous ses voiles.
– Ah ! vous êtes impitoyable, mademoiselle, prononça enfin Raymond. Me bannir de votre présence me serait moins cruel…
D’un geste brusque, Mlle Simone l’arrêta.
– Voulez-vous donc, fit-elle, m’ôter tout mon courage, au moment même où j’en ai le plus besoin !…
Et comme si elle se fût défiée d’elle-même, comme si elle eût craint de se trahir, ou d’en avoir trop dit déjà, elle prit le bras de miss Lydia Dodge et s’éloigna, laissant Raymond éperdu d’angoisses et écrasé sous le sentiment de son impuissance.
Avec l’intensité de la réalité même, son implacable imagination lui représentait la situation de Mlle Simone, cette situation dont le mystère augmentait l’horreur, et il la voyait se débattant sous le filet de quelque abominable intrigue, sans amis, sans conseils, sans soutien…
Il ne fallut rien moins que le bruit d’une chaise bruyamment remuée, pour le rappeler au souvenir de la réalité. Mme de Maumussy venait d’entrer…
Il tressaillit de tout son être, quand il la vit l’observant de son regard tranquille, où il lui semblait lire les plus insultantes ironies.
C’était, depuis la soirée où elle s’était abandonnée à de si inexplicables emportements, la première fois que Raymond se trouvait seul avec elle.
– Qu’avez-vous, monsieur Delorge ? demanda-t-elle doucement.
Saisi d’une sorte de vertige qui lui enlevait jusqu’à la faculté de réfléchir, il marcha sur elle, et d’une voix sourde :
– J’ai, répondit-il, que j’aime Mlle Simone de Maillefert, madame la duchesse, plus que la vie, plus que l’honneur, plus que tout le monde, que la voir malheureuse est au-dessus de mes forces, et que je saurai bien faire payer ses larmes aux misérables qui les lui font répandre.
Il la regardait fixement, en parlant ainsi, obstinément, comme s’il eût espéré plonger jusqu’au fond de sa conscience.
Elle ne baissait ni ne détournait les yeux.
– C’est pour moi que vous dites cela ? interrogea-t-elle.
– Oui…
La jeune duchesse eut une seconde d’hésitation.
Puis, tout à coup, elle se leva vivement, courut fermer la porte du salon, et revenant prendre sa place en face de Raymond :
– Vous reste-t-il, commença-t-elle, assez de raison pour m’entendre, monsieur Delorge ?
– Oh ! je suis parfaitement calme, madame…
– Eh bien ! voici le conseil que vous donnerait une amie : Quittez Maillefert, non pas dans une heure, mais à l’instant, partez…
Raymond riait d’un rire nerveux.
– Je vous gêne donc beaucoup, madame la duchesse ? dit-il.
Elle le toisa d’un coup d’œil superbe, et durement :
– Moi !… s’écria-t-elle, moi !…
Puis haussant les épaules :
– Laissez-moi continuer, reprit-elle plus doucement. Vous vous croyez aimé de Mlle de Maillefert, et il se peut qu’elle croie vous aimer. Vous vous abusez l’un et l’autre. L’amour vrai ne réfléchit ni ne raisonne, et je vois à Simone l’âme calculatrice d’un procureur. Si elle vous aimait, elle dirait un mot, un seul, et… peut-être serait-elle votre femme. Elle ne le dira pas…
Raymond ricanait toujours.
– Je cherche, madame la duchesse, fit-il, l’intérêt qui vous fait parler ainsi…
Elle tressaillit, un éclair de colère traversa ses yeux noirs, mais elle se contint, et baissant la voix :
– Si vous vous trouviez, reprit-elle, dans une maison qui s’écroule et qu’un passant vous criât : « Sauve-toi ! » iriez-vous lui demander quel intérêt il avait à vous empêcher d’être enseveli sous les décombres ? Eh bien ! moi, je suis ce passant. Trop haut est votre cœur et trop noble votre mépris de l’argent, pour certaines intrigues. Vous ne savez pas, sans doute, jusqu’où peuvent descendre les viles convoitises du luxe, du bien-être et du plaisir. Ne l’apprenez pas à vos dépens. Votre place n’est pas ici. Mieux on vous y accueille et plus vous devez craindre. Ce n’est pas la vie que vous laisseriez…
Ce qu’il y avait de commisération réelle dans l’accent de Mme de Maumussy, Raymond ne le sentit pas.
Il crut à une insulte, et transporté de colère jusqu’à saisir le bras de la jeune femme :
– Que voulez-vous dire ? s’écria-t-il, parlez… Vous en avez trop dit maintenant…
Mais elle se dégagea, et toisant Raymond d’un coup d’œil superbe :
– Je pense que vous êtes fou, monsieur Delorge, dit-elle…
Et s’asseyant au piano, elle se mit à jouer avec une sorte de furie le morceau ouvert sur le pupitre…
Sous tant de secousses successives, Raymond sentait vaciller son intelligence. Plus les paroles de la duchesse étaient obscures et mystérieuses, plus en essayant de les interpréter il se sentait assailli de sinistres appréhensions.
Se jouait-elle de lui ? Obéissait-elle à cet instinct irraisonné qui fait prendre en pitié toute créature qui souffre ? Remplissait-elle simplement un rôle ?…
Mais à quoi bon se mettre l’esprit à la torture ? Ne valait-il pas mieux pour Raymond essayer de fléchir cette jeune femme qui était là, qui savait la vérité, elle, qui d’un mot pouvait l’éclairer, le sauver et sauver avec lui Mme de Maillefert !…
– Madame, commença-t-il, madame la duchesse.
Elle ne parut pas l’entendre… Ses doigts couraient sur le clavier avec une merveilleuse agilité… Peut-être, réellement, ne l’entendit-elle pas.
Alors il s’approcha doucement, et de la main effleura l’épaule de la jeune femme.
Sans cesser de jouer, elle se détourna vivement.
– Que me voulez-vous, monsieur ? demanda-t-elle.
– Madame, s’il vous reste une ombre de pitié…
– Quoi ?
– Daignez vous expliquer plus clairement…
Elle le regardait d’un air mécontent.
– Je vous ai dit tout ce que j’avais à dire, interrompit-elle, insister est inutile.
Et comme elle voyait Raymond prêt à tomber à ses genoux :
– Ah !… Je vous cède la place, monsieur, dit-elle.
Sur quoi, s’étant levée, elle sortit en fredonnant l’air d’opéra qu’elle venait de jouer…
Déjà Raymond s’était redressé et, d’un œil enflammé, il regardait autour de lui, comme s’il eût cherché à qui s’en prendre de tant de misères.
Heureusement, une lueur suprême de raison l’éclaira :
– Je ne m’appartiens plus, pensa-t-il, si je reste, si je me trouve en face de M. Philippe, je me perds, et je perds à tout jamais Simone…
Et il se précipita dehors…
Dans le vestibule, Mme de Maillefert, avec toutes sortes de cérémonies, reconduisait une vieille dame qui était venue lui faire visite.
Apercevant Raymond :
– Comment ! vous nous quittez, mon cher Delorge, lui cria-t-elle gaiement.
Il ne répondit pas. D’un seul bond il franchit les dix marches du perron et se lança dans l’avenue.
Il lui semblait que l’existence, comme une planche pourrie jetée sur un abîme, craquait et manquait sous lui, et qu’il roulait jusqu’aux plus sombres profondeurs.
Et pour comble, une voix obstinée et irritante comme le remords s’élevait en lui, qui lui répétait que, si terrible que fût le châtiment, il l’avait mérité, lui le fils du général Delorge, en se mêlant à ce monde qui était celui des assassins de son père.
Des heures s’écoulèrent en alternatives de désespoir et de rage, et il flottait entre mille résolutions contradictoires, quand la porte de sa chambre s’ouvrant M. de Boursonne parut.
– J’arrive de Maillefert, lui dit le vieil ingénieur, j’y ai trouvé tout le monde surpris de votre disparition. Je ne suis pas curieux…
Raymond s’était levé.
– Vous allez tout savoir, monsieur, dit-il.
Et fort exactement quoique d’une voix encore altérée, il raconta son entretien avec Mlle Simone et avec la duchesse de Maillefert…
Encore bien que donnant les signes les plus manifestes d’impatience, M. de Boursonne l’écouta sans mot dire ; mais dès qu’il eut achevé :
– La peste étouffe, s’écria-t-il, les amoureux romanesques et nerveux ! Quand on est bâti comme cela, sacrebleu ! on devrait bien rester chez soi !
– Vous en parlez à votre aise, monsieur, et si vous aviez été à ma place…
– D’abord je ne m’y serais pas mis, à votre place, mon cher. Ensuite, ayant eu cette chance inespérée de surprendre Mme de Maumussy dans un de ses bons moments, je me serais bien gardé de la blesser par mes violences ridicules…
– Cette femme est mon ennemie, monsieur, vous-même me l’avez dit…
– Et je le crois… Seulement la duchesse est Italienne, c’est-à-dire la femme de la sensation présente, qui au lieu d’analyser ses émotions s’y abandonne tout entière, qui veut une chose avec la tête et fait le contraire avec le cœur…
– Enfin que résoudre ?… interrompit Raymond.
Ah ! le vieil ingénieur n’hésita pas.
– Plantez là Mlle Simone, dit-il.
– Jamais !…
Le bonhomme haussa les épaules.
– Alors, sacrebleu ! fit-il, que voulez-vous que je vous dise ! Attendez… le succès est aux temporisateurs. Retournez au château comme si de rien n’était…
Ainsi fit Raymond, et lorsqu’il arriva à Maillefert le lendemain, rien ne lui parut changé. Mlle Simone n’était ni plus ni moins triste, M. Philippe était toujours aussi amusant, Mme de Maumussy avait repris son attitude de sphinx…
Il en était à se demander s’il ne s’était pas épouvanté de chimères, lorsqu’un soir, comme il arrivait au château :
– Est-ce que vous n’avez pas rencontré M. Philippe ? lui dit Mme de Maillefert.
– Non, madame…
– C’est qu’il est au chemin de fer, au-devant de nos amis, qui arrivent par l’express de neuf heures…
– Vous attendez des amis ?…
Mme de Maillefert sourit :
– Nous attendons, répondit-elle, le mari de ma chère Clélie, le duc de Maumussy, et avec lui M. Verdale, le fameux architecte, et le comte de Combelaine…
En d’autres temps, Raymond eût été écrasé de ce coup si terriblement inattendu.
Mais il en est de l’âme humaine comme de l’acier, qui plongé rouge dans un torrent glacé acquiert des qualités supérieures de résistance et d’élasticité ; l’âme, au contact du malheur, se trempe d’une énergie plus forte et s’endurcit à la souffrance.
Raymond pâlit et ses yeux se voilèrent, mais il ne chancela pas, et si rudement que l’émotion lui serrât la gorge, il eut encore la force de dire :
– Ah !… vous attendez M. de Maumussy et M. de Combelaine !…
Mme de Maillefert se pencha vers la pendule.
– Quelle heure est-il ? fit-elle. Huit heures et demie. Dans trois quarts d’heure ils peuvent être ici.
Et immédiatement elle entama le panégyrique du duc de Maumussy, dont elle ne pouvait assez louer, disait-elle, le caractère chevaleresque, l’esprit délicat et fin et le merveilleux sens politique.
Elle n’admirait pas moins M. de Combelaine, ce dévoué serviteur de l’Empire, cet héroïque soldat toujours prêt à verser son sang, dont la fidélité désintéressée lui rappelait, assurait-elle, ces loyaux chevaliers qui, à leur mort, demandaient à être enterrés aux pieds du suzerain qu’ils avaient servi…
Assez maître de soi pour éviter le scandale d’une brusque retraite, Raymond était allé s’asseoir non loin de la causeuse où chaque soir Mlle Simone venait s’établir devant sa petite table à ouvrage.
Et la duchesse de Maillefert poursuivait.
Avec une non moindre chaleur, elle célébrait les mérites de M. Verdale, cet architecte fameux, ce fils de ses œuvres arrivé à force de talent et de travail à une grande situation et à une fortune immense. Et elle se déclarait ravie qu’un homme de ce mérite eût bien voulu accompagner M. de Combelaine, son ami. Justement elle méditait de grandes réparations à Maillefert. M. Verdale lui donnerait des idées.
À ce mot de réparations, Mlle Simone avait redressé la tête si vivement, que sa mère en parut choquée.
– Oh ! vous avez bien entendu, fit-elle d’un ton sec. Cette vieille baraque est inhabitable, et j’ai des raisons de croire que l’année 1870 ne s’écoulera pas sans que Sa Majesté l’Impératrice fasse à notre maison l’honneur de s’arrêter un jour ou deux à Maillefert.
Mais Raymond n’écoutait pas.
Les yeux fixés sur la pendule, il calculait combien de minutes encore il avait à rester à Maillefert…
Il avait pu subir la duchesse de Maumussy ; mais le duc, mais M. de Combelaine, l’honneur lui défendait de se trouver sous le même toit qu’eux.
– Savez-vous, demandait Mme de Maillefert à Mme de Maumussy, combien de jours ces messieurs comptent nous donner ?…
– Non… Mon mari ne me l’a pas dit.
Raymond n’avait plus que dix minutes à rester…
Et il s’attendrissait en contemplant pour la dernière fois ce petit salon, où, au milieu d’affreux déchirements, il avait eu des heures enchantées par l’espérance.
Il examinait Mlle Simone, qui, inclinée sous une lampe travaillait, non à un délicat et inutile ouvrage de femme, mais à une layette qu’elle avait promise à une pauvre fille séduite, que tout le monde dans le pays repoussait.
Mais neuf heures sonnaient ; Raymond se leva.
– Quoi ! s’écria Mme de Maillefert, vous n’attendez pas nos amis !…
– Je ne puis…
– Parce que ?…
– M. de Boursonne m’attend, madame.
Elle haussa les épaules.
– Allez donc, fit-elle, mais en tout cas, à demain.
Il ne répondit pas. Il s’inclina devant la duchesse de Maumussy, il effleura de ses doigts tremblants la main que lui tendait Mlle Simone, et lentement il sortit.
La nuit était sombre et glaciale, de gros nuages couraient au ciel, un vent furieux secouait les branches dépouillées des arbres…
Que lui importait ! Il n’avait plus besoin de se contraindre, maintenant…
Son désespoir et sa fureur s’exhalaient en imprécations et en menaces qu’emportait la tempête, de même que les événements avaient emporté ses espérances et ses projets.
Parvenu au pont suspendu, cependant, il s’arrêta court. Une voiture venait, au grand trot, – malgré les défenses formelles – et dans cette voiture, à la lueur des lanternes, on distinguait quatre hommes : M. Philippe et les amis attendus à Maillefert.