Le docteur Festus, lancé par la tangente, traversa un vol de corbeaux criards, dont soixante-huit, culbutés par le choc, vinrent tomber sur le champ de Jean Renaud, l’arpenteur assermenté, au moment où il triangulait son propre champ, par façon de récréation digestive, ce qu’il pratiquait tous les jours après son dîner. À la vue des volatiles, Jean Renaud culbuta son niveau, et cassa sa planchette, tant il fut surpris, croyant que ce fût toute une plaie d’Égypte. Puis, s’étant remis, il alla quérir des témoins, comme quoi il avait été favorisé d’un grand phénomène, qu’il nomma une pluie de corbeaux.
Jean Renaud procéda ensuite à écrire un beau mémoire pour l’académie royale de Vireloup. Il détailla d’abord le fait, puis, passant aux recherches explicatives, il en trouva la cause dans la rencontre fortuite de particules organiques, agissant en vertu d’une force vitale propre à chacune d’elles séparément, mais qui se détruisait par leur agglomération sous forme de corbeaux ; ce qui était prouvé par l’inspection même des corbeaux, trouvés morts à l’instant de la chute. S’élevant ensuite aux lois générales, il tira de là sa grande théorie des formations aériennes, à laquelle il rattacha le phénomène des aérolithes, des pluies de sauterelles, des pluies de grenouilles, des grêles printanières, et aussi, en allongeant un peu le bras, des étoiles filantes ; d’où il fut nommé à l’unanimité membre correspondant de l’académie royale de Vireloup, et reçut son diplôme doré sur tranche et paraphé au revers, de manière qu’il mourut insolvable, ne voulant plus arpenter, crainte de s’avilir et dégrader son diplôme.