Le docteur Festus continuait son voyage d’instruction par le haut des airs, et il était parvenu à une telle hauteur, qu’il voyait la terre comme une grande boule, où il ne distinguait plus que les continents et les mers : celles-ci d’un beau bleu d’azur, et les terres d’une couleur lumineuse et suave. Il eut l’occasion de vérifier la justesse de l’hypothèse de J.-C. Simmes, en voyant que les pôles sont effectivement percés d’un grand trou, au fond duquel on aperçoit des matières incandescentes. Les bords du trou, fécondés par la chaleur, sont couverts d’admirables pelouses, sur lesquelles il distingua des troupeaux immenses de mammouths et de mastodontes, animaux qu’on ne trouve plus que fossiles, en-dehors de la zone glacée qui entoure cet Eden verdoyant.
Mais dans ce moment il lui arrivait une chose bien singulière. Il avait atteint le plan d’intersection qui sépare la sphère d’attraction de la terre, de celle de la lune ; en sorte qu’ayant le buste dans l’une, et les jambes dans l’autre, il restait immobile, également sollicité par les deux astres ; seulement il observait que son corps en prenait de l’allongement, sans que toutefois les organes vitaux en fussent altérés. Ce qui l’étonna encore, ce fut de remarquer une foule d’aérolithes arrêtés, dans la même situation et pour les mêmes causes que lui, sur cet immense plan d’intersection, où ils surnageaient comme des tronçons de bois sur un océan sans rivages ; selon qu’ils se corrodent dessus ou dessous, les débris qui s’en échappent gravitent vers la lune ou vers la terre, où ils fournissent aux hypothèses des savants. Le docteur se trouvant à portée de l’un des plus gros, voulut s’y asseoir ; mais à peine l’eût-il touché, que l’équilibre d’attraction se trouvant rompu, l’aérolithe gravita vers notre terre avec une vitesse prodigieuse, et c’est celui qui se voit encore dans l’église cathédrale du bourg d’Asnières, où ils en ont fait leur maître-autel. D’où est venu leur surnom de gobe-la-lune, parce qu’ils regardent toujours au ciel s’il leur vient des maîtres-autels.
Du reste, le docteur Festus n’avait jamais éprouvé un bien-être aussi grand. En même temps que son corps s’allongeait, sa pensée s’agrandissait en s’épurant, et devenait comme un miroir pur où se réfléchissait la splendeur de la création. Ces sensations célestes le confirmaient toujours plus dans l’idée que, endormi dans l’auberge du Lion-d’Or, il poursuivait le cours de son grand rêve, tout en s’élevant aux sommités d’une science surhumaine.