Cependant Jean Baune, le repris de justice, tout en fouettant le cheval de sa gaule, songeait en lui-même qu’il n’avait plus besoin de Pierre Lantara, si ce n’est pour partager, ce à quoi il ne tenait pas. De façon que s’étant laissé devancer de trois pas, il lui déchargea son pistolet dans l’occiput. La balle perça le crâne, coupa l’os hyoïde, perfora le palais, effleura les papilles nerveuses du cartilage nasal, puis faisant un ricochet contre les os frontaux, s’arrêta dans le lobe gauche du cervelet ; et Pierre Lantara tomba par terre, exhalant sa scélérate vie sous le coup d’une main plus criminelle encore que la sienne.
À l’ouïe du coup de feu, le docteur Festus y appliqua aussitôt toutes les lois de l’acoustique pour reconnaître à quelle distance et dans quelle direction le coup était parti : si c’était dans la cuisine de l’hôte, dans le grenier de l’auberge, ou dans la cour, ou enfin dans la chambre aux curiosités ; et il allait formuler une conclusion, lorsqu’à l’ouïe d’un nouveau bruit, il se décida à attendre les nouvelles données que lui fourniraient les faits.
Ce bruit était celui que faisait Jean Baune, le repris de justice, pour ouvrir la malle. À peine eut-il levé le couvercle, que, voyant un homme bien éveillé qui le regardait faire, il lui braqua dessus son pistolet, par bonheur déchargé récemment ; tandis que le docteur Festus, se croyant encore dans son rêve, le prenait pour un Néoplatonicien de mauvaise mine. Mais à la vue de Jean Baune qui rechargeait son pistolet, le docteur crut rêver qu’il se sauvait à toutes jambes, et effectivement, après une course impétueuse de deux heures d’horloge, voyant dans une prairie des meules de foin, il s’y cacha, suspendant ainsi pour cause majeure son grand voyage d’instruction, jusque là si heureusement commencé.