VII

Pendant que ces choses se passaient, Guignard, resté chez lui, ne perdait pas de vue son astre, dans lequel il croyait remarquer des modifications éminemment inquiétantes. Les choses en vinrent au point qu’il crut de son devoir de convoquer la Société Royale pour le jour même. Il quitta donc un moment le télescope, pour aller hâter cette convocation. Son visage était déjà tellement altéré par l’angoisse, que Madame Guignard l’inonda de vinaigre des quatre voleurs ; mais il ne fut soulagé que par des évacuations qui survinrent.

Il s’était en effet opéré de grands changements dans la situation du docteur Festus. Au moment où était tombé de sa tête le chapeau qui avait été si fatal à la commune, l’équilibre d’attraction avait été rompu, et le docteur avait commencé à paraboler vers notre terre. C’est ce qui avait provoqué les inquiétudes de Guignard, qui prévoyait un choc imminent ; car, ayant calculé la marche de sa comète opaque, il s’était convaincu qu’avant vingt-cinq ans révolus, elle tomberait sur sa tête, ou sur celle de ses descendants. À la vérité, n’ayant pas d’enfants, il s’inquiétait peu de ses descendants, mais il n’en tremblait que davantage pour lui-même.

Le docteur Festus, pendant que Guignard convoquait, avait continué de paraboler avec une vitesse qui croissait comme le carré des distances diminuait. Déjà il distinguait les montagnes, puis les prairies, les clochers, les bestiaux, les bourgeois, enfin le télescope, dans lequel il vint plonger comme une grenouille dans un puits. Par bonheur l’instrument qui était suspendu à deux bras mobiles de trente pieds de haut, bascula mollement ; de manière que la force de projection s’anéantissant contre une surface qui cédait, le docteur se trouva, sain et sauf, appliqué contre la grosse lentille du milieu, à peu près comme une salamandre contre les parois d’un bocal.