XVIII

Au bout de huit heures d’arrêts, le Maire avait repris sa battue dans le bois à la tête de la force armée, et il avait marché au pas de charge pendant sept heures d’horloge, lorsqu’il aperçut Milord en chemise, assis sur une fourmilière. Certain, d’après son procès-verbal, que le voleur devait être en chemise, il s’occupa aussitôt des dispositions d’attaque.

Il donna ordre à l’aile gauche (c’était Rouget), de faire un grand contour pour prendre Milord en flanc droit ; et à l’aile droite (c’était Blême), de faire un grand contour pour prendre Milord en flanc gauche : lui-même devait former le centre, et se porter en droite ligne sur le voleur.

Après avoir combiné cette manœuvre, le Maire s’essuya le front ; puis, sûr de son affaire, il commanda : Marche !

Les deux ailes partirent ; mais Rouget ayant pris le contour trop petit, se trouva en arrière de Milord, tandis que Blême l’ayant pris trop grand se trouva à vingt pas de Milord, qui lui cria : Do you speak english ?

Le Maire, voyant sa manœuvre compromise, sans bien comprendre pourquoi, rappela les ailes à son centre ; puis, s’étant replié pour prendre du terrain, il se plaça derrière la force armée, à qui il commanda une charge à la baïonnette.

Milord ne comprenant pas d’abord l’intention de ces gens, leur cria : Do you speak english ? mais il ne lui fut fait aucune réponse ; en sorte que jugeant l’intention hostile décidément, il se plaça derrière un gros mélèze. Aussitôt le Maire dirigea sur le mélèze, en disant : Ferme ! et les troupes, pleines d’ardeur, poussèrent droit à l’arbre, dans le bois duquel elles s’enferrèrent de neuf pouces trois lignes et un douzième, et restèrent prises, quoique chargeant toujours.