Le docteur Festus, dans sa fuite effrénée, était entré de plein saut dans le grenier à blé de Samuel Porret, où s’étant un peu repris, il regarda par les fentes s’il était poursuivi. Il remarqua que les gens commençaient à se relever les uns après les autres, et à fuir aussitôt de son côté, ce qui provenait de ce que, par ignorance des localités, il s’était réfugié dans leur propre village, celui de Coudraz. Alors, les voyant ainsi revenir, il s’enfouit dans un tas de blé qui se trouvait là, et y attendit que les esprits fussent calmés, ce qui lui paraissait devoir prochainement arriver. En effet, réfléchissant que le choc de la comète possible, qu’il jugeait avoir mis ces bonnes gens en émoi, ne paraissait pas avoir apporté des changements désastreux dans notre morceau de planète, il en concluait qu’à ces premiers moments d’effroi et de confusion, succéderaient bientôt la paix et le contentement d’esprit.
Le malheur fut cause que Samuel Porret, voulant porter son blé au moulin, entra dans le grenier, et s’étant mis à emplir son sac, découvrit avec sa pelle la tête du docteur à fleur du tas. Sur quoi lâchant le sac, il dévala en bas en criant, comme trois légions, qu’il avait trouvé le diable dans son grenier ; de façon que le village se remit en émoi, et cerna la baraque pour l’enfourcher à sa sortie. Dans cette conjoncture délicate, le docteur se souvenant de Julia Cornelia, autrefois sauvée de Crémone à travers tous les Vitelliens, cachée dans un sac de farine, il se glissa du tas dans le sac de Samuel Porret, attendant les faits, et comptant sur les leçons de l’histoire.