Milady voyant un homme en chemise le prit d’abord pour son voleur ; ensuite elle le prit pour un homme en chemise, ce qui lui fit baisser les yeux ; enfin elle le prit pour le Maire, ce qui lui fit faire un éclat de rire très-pénible pour celui-ci, qui avait l’air extrêmement déchu et mortifié.
Mais, pendant que Milady riait, il venait au Maire une détestable pensée, qui se parait à ses yeux des couleurs séduisantes de la justice et du devoir. Pressé par ses devoirs administratifs, il se figurait avec angoisse l’état affreux de sa commune, depuis quatre jours privée de maire ; et considérant d’autre part que sa dignité lui défendait de s’y présenter en chemise, l’idée d’y rentrer déguisé sous les habits de Milady lui souriait infiniment. À la fin, fortement sollicité, il saisit le sauvageon noueux, imita de son mieux le moulinet de Milord, abattit Milady, et la dépouilla, tout en l’assurant qu’en tout ceci il n’agissait que par des motifs respectables, en vue seulement du bien public, et sans aucune intention de lui déplaire ou de lui faire le moindre mal. Après quoi il s’habilla et reprit le chemin de sa commune en méditant trois procès-verbaux, deux ordres du jour et cinq battues, soit contre Milord, soit contre la force armée.
FIN DU PREMIER LIVRE.