III

Le docteur, enfoui si subitement dans sa meule, ne savait trop que penser. Il croyait veiller ; mais d’autre part il croyait rêver, ce qui le conduisit à faire une série de syllogismes dont le dernier fut un dilemme continu, indéfini, insoluble qui lui donna beaucoup de mal (le dilemme lui était en général funeste), et qui lui faisait tourner la tête, comme la rivière, une roue de moulin. C’était celui-ci : ou je dors ou je veille ; mais si je veille, je ne dors pas, donc je veille ; mais si je dors, je ne veille pas, donc je dors (et il s’embrouillait) ; donc je veille ; donc je dors ; mais je veille, donc je ne dors pas ; et ainsi de suite durant trois heures d’horloge.

Au bout de ce temps, une sensation le tira de là. C’était comme un objet terminé par trois pointes dures et lisses comme des dents œillères d’un sanglier. Cet objet, s’insérant de part en part dans la région postérieure de sa culotte, la souleva, lui fit décrire on arc de cercle, et la déposa, lui inclus, sur une surface élastique et molle.

C’était George Luçon, dit le Trèfle, qui faisait ses foins avec les ouvriers de la ferme, afin de profiter du sec, et serrer pour l’hiver. Il avait planté sa fourche dans la meule et chargé le docteur tout empaillé sur le char, se disant : Le foin est lourd c’tte année ; cinquante livres feront le quintal. Quand ils eurent tout chargé, l’on piqua les deux bœufs, et le docteur recommença à voyager pour son instruction jusqu’à la fenière de George Luçon, où il fut hissé avec le foin.