IX

C’était le moulin de Claude Thiolier, dit Benaîton, sis sur la hauteur de Sarlinge, en vue de toute la campagne des Bresseaux, jusqu’à la rivière du Tour d’un côté, et jusqu’aux Monts des Rocailles de l’autre, si bien qu’il servait à savoir le vent à tous les hameaux de cette plaine qui contenait dix communes et vingt-huit paroisses. Les ailes étaient neuves, à tout vent, et si fortes et grandes, qu’au moindre souffle elles auraient moulu vingt coupes de froment à l’heure.

Claude Thiolier, qui fumait sa pipe devant son moulin, se leva et vint décharger l’âne du sac, qu’il prit sur son dos, le soutenant à deux mains derrière sa tête, et s’acheminant vers la porte du moulin le corps en avant. Et tout en regardant d’où soufflait le vent, il appela Gamaliel son garçon, et lui dit de tout préparer pour moudre le lendemain.

À ces mots, le docteur Festus, éprouvant une violente crispation, donna un coup de reins qui le replaça sur ses jambes le corps en avant, en telle façon qu’il portait à son tour Claude Thiolier, dit Benaîton, lequel se prit à crier, comme cinq légions à la fois, que le diable l’emportait. Puis ayant lâché prise, le sac tomba d’un côté, et lui de l’autre, et il se mit à aller quérir du monde d’une telle vitesse qu’il s’en faussa la rotule, d’où ses descendants ont tous été jarretous, et réformés pour la cavalerie. Pour Gamaliel, à première vue d’un sac marchant, il s’était caché derrière le van du moulin, où il en était déjà à son dix-huitième ave.