16 – Le miroir de la vérité

 

Dans le beau siècle d’or, quand les premiers humains,

Au milieu d’une paix profonde,

Coulaient des jours purs et sereins,

La vérité courait le monde

Avec son miroir dans les mains.

Chacun s’y regardait, et le miroir sincère

Retraçait à chacun son plus secret désir

Sans jamais le faire rougir ;

Temps heureux, qui ne dura guère !

L’homme devint bientôt méchant et criminel.

La vérité s’enfuit au ciel,

En jetant de dépit son miroir sur la terre.

Le pauvre miroir se cassa.

Ses débris qu’au hasard la chute dispersa

Furent perdus pour le vulgaire.

Plusieurs siècles après on en connut le prix :

Et c’est depuis ce temps que l’on voit plus d’un sage

Chercher avec soin ces débris,

Les retrouver par fois ; mais ils sont si petits,

Que personne n’en fait usage.

Hélas ! Le sage le premier

Ne s’y voit jamais tout entier.