13 – La fauvette et le rossignol

 

Une fauvette dont la voix

Enchantait les échos par sa douceur extrême

Espéra surpasser le rossignol lui-même,

Et lui fit un défi. L’on choisit dans le bois

Un lieu propre au combat. Les juges se placèrent :

C’étaient le linot, le serin,

Le rouge-gorge et le tarin.

Tous les autres oiseaux derrière eux se perchèrent.

Deux vieux chardonnerets et deux jeunes pinsons

Furent gardes du camp, le merle était trompette.

Il donne le signal : aussitôt la fauvette

Fait entendre les plus doux sons ;

Avec adresse elle varie

De ses accents filés la touchante harmonie,

Et ravit tous les cœurs par ses tendres chansons.

L’assemblée applaudit. Bientôt on fait silence :

Alors le rossignol commence.

Trois accords purs, égaux, brillants,

Que termine une juste et parfaite cadence,

Sont le prélude de ses chants ;

Ensuite son gosier flexible,

Parcourant sans effort tous les tons de sa voix,

Tantôt vif et pressé, tantôt lent et sensible,

Étonne et ravit à la fois.

Les juges cependant demeuraient en balance.

Le linot, le serin, de la fauvette amis,

Ne voulaient point donner de prix :

Les autres disputaient. L’assemblée en silence

Écoutait leurs doctes avis,

Lorsqu’un geai s’écria : victoire à la fauvette !

Ce mot décida sa défaite :

Pour le rossignol aussitôt

L’aréopage ailé tout d’une voix s’explique.

Ainsi le suffrage d’un sot

Fait plus de mal que sa critique.